Le diesel, le début du déclin ?
Cet article a initialement été publie le 15 juin 2005, sur le site de l’ADMEO.
Le diesel, maître absolu des ventes d’automobiles en France, connaît pour la première fois depuis ces dernières années, un recul (69% des ventes après avoir battu, sur les quatre premiers mois 2005, un nouveau record avec 70,5% des ventes). Le renchérissement du prix du gasoil, désormais à plus de 1 euro le litre, est bien sûr mis en cause. Mais selon nous, si le diesel est bien en danger ce n’est pas en raison du prix du carburant, car même si son augmentation dissuade un petit nombre de consommateurs, elle ne peut remettre en cause l’hégémonie de ces motorisations. En effet, ces dernières années, le succès des motorisations diesel ne se dément pas en France comme dans une grande partie de l’Europe où elles représentaient en 2003, 43,7% des immatriculations d’automobiles(67,4 % pour la France[1]). Pour comprendre la vitalité de ce marché il faut savoir qu’en 1995 cette proportion était de 22,1% et de 7,1 % en 1980 (chiffre CCFA[2]). Cette ascension s’est produite bien que l’augmentation progressive du coût global (surcoût à l’achat, coût d’entretien, etc.…) de ce type de véhicules les rend de moins en moins avantageux. En effet, un grand nombre de consommateurs n’est plus en mesure d’amortir le surcoût de ces véhicules, qui deviennent intéressants lorsqu’on effectue plus de 20 000, voir 25 000 kilomètres pas an. Les consommateurs sont-ils irrationnels ? Non, cela signifie simplement que les consommateurs n’envisagent pas uniquement l’achat automobile sur le seul critère économique. La relation entre le prix du gazole et les ventes de véhicules diesel n’est donc pas si évidente.
On n’achète plus un véhicule diesel pour les mêmes raisons. Auparavant, il s’agissait d’acquérir un véhicule économique et robuste même si, pour cela, il fallait sacrifier la performance et le confort (bruits, odeurs, moteurs poussifs, etc…). Les motorisations diesel modernes offrent un certain confort de conduite que ne proposent pas les véhicules essence. Les véhicules diesel s’avèrent aussi performants, en terme de puissance, que les véhicules essence tout en offrant une meilleure répartition du couple (la disponibilité de la puissance moteur se répartit de manière homogène sur l’ensemble du régime moteur), ce qui n’est pas négligeable compte tenu de l’embonpoint croissant des véhicules. Les véhicules diesel s’adressent aujourd’hui à tous les types de consommateurs, ils peuvent même incarner la sportivité, ce qui était impensable il y dix ans.
La pérennité du diesel n’est pas entre les mains des pétroliers, elle dépend essentiellement des réponses qu’apporteront les constructeurs aux contraintes environnementales et économiques. Le plus grand défi auquel sont confrontés les constructeurs est le durcissement des normes environnementales. Cette contrainte pose un vrai dilemme, pouvant remettre en cause la structure du marché automobile : faut-il pérenniser le développement des motorisations diesel ou réinvestir dans les motorisations essences ? Chacune des ces deux technologies présentent certains atouts :
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Le diesel offre un bon rendement, il consomme moins de carburant et émet donc moins de CO2 (réduction de l’effet de serre). Cependant, les résidus de la combustion, tels que les oxydes d’azote, bien que plus faible sont très difficiles à éliminer. En effet, les systèmes de pots catalytiques traditionnels sont incompatibles avec les motorisations diesel modernes.
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Les motorisations essences, inversement, ont un rendement médiocre (consomme plus), elles émettent donc plus de CO2 mais permettent d’éliminer plus facilement les autres émissions.
Beaucoup de professionnels affichent d’ores et déjà un certain scepticisme sur l’avenir du diesel. En effet, ce dernier pourra difficilement respecter les normes euro IV (entrant en vigueur en 2008) et s’il y parvient, cela sera avec l’intégration de coûteux équipements de dépollution, ce qui, financièrement, rendra le diesel encore moins compétitif. Par ailleurs, il ne faut pas négliger le fait que la vente d’automobile est déjà fortement perturbée par le décalage croissant entre le niveau de vie des consommateurs qui ne cesse de baisser et le prix des automobiles qui croît de manière continue (essentiellement à cause de l’intégration de nouvelles technologies visant à améliorer la sécurité et à diminuer les émissions polluantes). Cela explique d’ailleurs l’émergence d’une nouvelle offre de voitures à bas prix (Peugeot 107, Volkswagen fox, Renault Logan, etc…).
Les véhicules essence, quant à eux, produisent plus de polluant, cependant leurs émissions (oxyde d’azote, etc.…) peuvent être facilement éliminées par des pots catalytiques traditionnels. Le seul point noir reste les émissions de CO2 issues de la surconsommation de carburant. Cette situation pourrait bien évoluer, les technologies injection directe pour moteur essence n’en sont qu’à leurs balbutiements[3]. Dans un futur proche, les automobiles essence pourraient ainsi dépasser, aussi bien en terme de consommation que de répartition du couple, les véhicules diesel, remettant totalement en cause leur succès.
Le recul du diesel, s’il se manifeste, ne pourra provenir que d’un changement de stratégie des constructeurs. Les évolutions de la réglementation (environnementales) mais également l’évolution des habitudes de consommation (pouvoir d’achat moindre, augmentation de la consommation de loisir, etc..) pourraient alors conduire les constructeurs à reconsidérer le rôle des motorisations diesel dans le développement du marché automobile.
[1] 69,2% en 2004
[2] Le Comité des Constructeurs Français d’Automobiles est le syndicat professionnel des constructeurs d’automobiles.
[3] Les constructeurs sont dans une phase d’exploration et plusieurs solutions sont étudiées