La baisse du dollar inquiète de plus en plus les entreprises européennes et assombrit les perspectives de croissance de la zone euro
Actualité initialement publié dans la newsletter de l’ADMEO N°10 Janvier 2005
L’ensemble des baromètres européens le confirme, le moral des chefs d’entreprise est affecté par la faiblesse du dollar. En Allemagne, le baromètre mensuel l’IFO a reculé de 1,2 points en novembre tombant à 94,1 points, son plus bas niveau depuis septembre 2003. Le même jour, l’indice italien ISAE mesurant le moral du secteur manufacturier accuse une baisse de 0,8 points.
Les inquiétudes de l’Allemagne sont légitimes, champion du monde des exportations, la santé de l’économie germanique repose largement sur la compétitivité de ses produits à l’exportation. La France qui s’appuie plus largement sur la demande intérieure – ses exportations ne représentant que 28% de la croissance en 2004 – pourrait apparaître moins en danger. Cependant l’OFCE a déjà indiqué que la croissance sera largement affectée par l’appréciation de l’euro, qui devrait amputer de 0,6 points le taux de croissances de 2,4 % attendu. En définitive, c’est l’ensemble de la zone euro qui devrait pâtir de la dépréciation de la monnaie américaine.
Les tourments monétaires, mais également l’inflation fondée sur la hausse importante du prix du pétrole – le baril a atteint jusqu’à 55,67 dollars sur le marché de New York le 25 octobre 2004 – ne pouvaient pas tomber plus mal. Alors même que l’Europe et plus particulièrement la France s’inscrivent dans une dynamique de reprise, les anticipations des entrepreneurs pourraient mettre un coup de frein au décollage attendu. En effet, si les entreprises anticipent, que l’effet change (dollar/euro) risque d’affecter leur compétitivité et donc leur exportation, elles pourraient être amenées à baisser leur production et retarder la mise en place de certains investissements productifs. A court et moyen terme, cela signifie que les entreprises pourraient réduire leurs effectifs ou geler les embauches qui devaient permettre d’augmenter la production pour répondre à l’augmentation de la demande attendue suite aux estimations optimistes faites par les analystes avant l’effondrement du dollar, sur les taux de croissance européens.
A plus long terme, la chute des investissements pourrait également conduire, par une baisse des dépenses des investissements visant à développer les capacités de production, à freiner l’emploi mais également affecter la compétitivité des produits européens, si les investissements dans la recherche et le développement de nouvelles technologies venaient à baisser. Ce scénario reste pour l’instant hypothétique, néanmoins les possibles conséquences de ce déséquilibre monétaire devraient inciter les agents économiques à adopter les mesures adéquates.
A l’heure actuelle, tous les regards se tournent vers la Banque Centrale Européenne (BCE) qui est désignée par les spécialistes comme l’institution providentielle. Hans-Werner Sinn, le président de l’IFO, qui a reconnu que les inquiétudes sur l’évolution de la conjoncture allemande se renforcent, estime que la BCE se doit d’intervenir maintenant sur le marché des changes pour freiner l’appréciation de l’euro. En fait, à mesure que les perspectives de croissance de la zone euro s’assombrissent, le débat sur une baisse du taux directeur de la BCE fixé à 2% commence à refaire surface.
Le 25 novembre, l’euro a encore battu un record sur le marché des changes en étant valorisé à 1,32 dollars, cette flambée de la monnaie communautaire n’a pourtant pas encore suscité de réaction de la part de la BCE. De leur coté les Etats-Unis, dont le commerce extérieur bénéficie fortement de la baisse du dollar, n’ont absolument pas l’intention d’intervenir. Dans ce contexte, l’immobilisme de la banque centrale, concentrée sur une lutte contre l’inflation qui ne paraît plus d’actualité, commence à provoquer la grogne des responsables politiques. De plus, il semblerait que l’euro s’approche du niveau auquel la BCE peut intervenir. Pour D. Wilton de Goldman Sachs, une baisse de 0,5% serait justifiée dans la mesure où, pour un taux d’inflation inférieur à 2%, les anticipations sur la croissance en 2005 seraient faible. Cependant, pour Holger Schmieding, économiste à la Banque of America, même si la BCE va probablement revoir à la baisse ses prévisions de croissance pour la zone euro en 2005, elle devrait maintenir ses taux inchangés.
Comment faut-il interpréter le statu quo de la banque centrale ? Il semblerait que la frilosité de la BCE repose sur la crainte que la baisse des taux engendre une certaine instabilité monétaire indésirable pour la croissance économique. Partisan de cette politique, Joachim Fels, économiste chez Morgan Stanley, redoute qu’une baisse des taux directeurs comporte un certain nombre de risques sur les marchés financiers, comme la formation d’une bulle spéculative obligataire.
En fait le débat témoigne d’une confrontation entre les deux composantes du monde économique : la finance et l’économie réelle. Les partisans du statut quo semblent plutôt préoccupés par la stabilité de la composante financière et les partisans de l’action par la vigueur de l’économie réelle.
Cependant, l’ensemble des opérateurs économiques devrait avoir à l’esprit que si la finance est de nature à déstabiliser le monde économique, seule l’économie réelle crée de la richesse et donc de l’emploi.