Comment favoriser le “made in France” dans la commande publique?
Depuis quelques jours, la proposition de Yves Jégo, visant à réserver 25% de la commande publique au “made in France”, est très commentée. Je ne vais pas revenir sur les raisons pour lesquelles il est impossible d’appliquer dans un appel d’offres (nécessaire au dessus de certains seuils de coûts*) un critère de sélection basé sur l’origine du produit/service. En effet, beaucoup l’ont rappelé, c’est tout simplement contraire au droit français et européen. Cependant, cela ne signifie pas que rien ne peut être fait pour soutenir l’industrie française.
Un appel d’offres ce n’est pas simplement la recherche du prix le plus bas !
Toute personne qui s’est frottée à des appels d’offres publiques en France ou ailleurs, le sait : il existe des critères qui permettent d’exclure certains acteurs du jeu. Il y a des critères objectifs, comme le respect de normes sanitaires ou de sécurité, et d’autres qui parfois paraissent venir en soutien d’acteurs définis. Il est, par exemple, possible d’écrire un appel d’offre sur mesure i.e. si spécifique que le nombre d’entreprises pouvant pétitionner est limité voire très limité.
Mon propos n’est pas de dire qu’il faut se jouer des règles, pas du tout. Avec ces pratiques tout le monde est perdant : les entreprises qui respectent la loi et l’éthique des affaires, les usagers, les contribuables et l’acheteur lui-même, puisque sa décision peut faire l’objet d’un recours et être annulée. Mon objectif est de souligner que les appels d’offres dans le cadre de marchés publics n’obéissent pas à un format rigide et fermé où seul le prix compte. Il est possible d’inclure des critères qui peuvent, tout en maintenant une certaine équité, favoriser les entreprises françaises.
Le critère le plus évident, souvent cité, est l’empreinte carbone du bien ou du service recherché. Ce qui tend à favoriser la production nationale. Cependant, il ne faut pas négliger qu’un appel d’offre ne repose jamais sur un critère unique et que chaque critère doit faire l’objet d’une pondération raisonnable. Par conséquent, cela peut être insuffisant voire totalement inopérant pour certains services (notamment dans le domaine du numérique).
Alors que faire ? La clé c’est la diversification !
Pour remporter des marchés publiques, il ne faut pas se limiter à proposer le même produit/service qu’un concurrent en moins cher ou en améliorant à la marge une fonctionnalité déjà existante. Il est nécessaire d’offrir une nouvelle approche, de distinguer très clairement sa proposition, notamment par l’innovation ou une meilleure prise en compte des spécificités socio-économiques locales (les besoins et les préférences peuvent être différents d’un pays à l’autre, ce qui n’est pas toujours pris en compte par certains grands groupes internationaux qui tendent a offrir des produits/solutions « standardisés »). Ces différences doivent constituer un avantage concurrentiel tel qu’il ne peut être ignoré par les décideurs (acheteurs, élus, autorités, etc…) et éventuellement justifier un prix plus élevé.
Et le faire savoir…
Il est très important quand on est en mesure de proposer un produit “différent” de le faire savoir. Il ne s’agit pas seulement de communication commerciale. Il est nécessaire d’informer politiques et décideurs institutionnels sur les spécificités de son produit/service, et cela suffisamment tôt, pour qu’elles soient implémentées dans les appels d’offres sous la forme de critères. Si cette différenciation est porteuse de valeur/utilité, il n’y a aucune raison qu’elle ne soit pas intégrée. Et, plus elle apporte de la valeur/utilité, plus une pondération élevée du critère qui lui est associé sera justifiée.