Ça me gratte : Terminaison d’appel mobile. Les prix baissent pour les opérateurs mais pas pour le consommateur !
Mercredi 24 Février l’ARCEP a fixé à 3,4 cts la terminaison d’appel mobile (TAM) de Bouygues Télécom pour la période du 1er juillet 2010 au 31 décembre 2010.
Ce nouveau tarif est en réalité un ajustement suite à une remise en cause, partielle, de la décision 2 décembre 2008 [1], par le Conseil d’Etat. Ce dernier avait été saisi par Orange et SFR.
Le conseil d’Etat a considéré que le prix de la TAM fixé pour Bouygues Télecom (BT) était trop élevé par rapport à celui de ses concurrents. L’ARCEP justifiait ce choix par le fait que l’opérateur est à la fois plus petit que ces deux concurrents (Orange occupe 45%, SFR 35 % et BT 15%) et qu’il offre de l’abondance vers ses concurrents, ce qui créer un important déséquilibre dans les flux financiers entre opérateurs[2].
En réalité, Orange et SFR avaient contesté le tarif de BT surtout pour obtenir l’annulation de la décision dans son ensemble. En effet, ces derniers s’opposent à la baisse du prix de la TAM. Cela aura été vain car, non seulement, les baisses sur leurs tarifs ont été maintenues par le Conseil d’Etat mais aussi l’ARCEP est restée sur une asymétrie (TAM à 3,4 ct pour BT contre 3 pour Orange et SFR), même si elle est moindre.
Mais où passent ces baisses ?
Les prix des TAM ont beaucoup baissé depuis la première décision de l’ARCEP de 2004[3] (14,94 ct pour Orange et SFR, 17,89 pour BT), pourtant force est de constater que ces baisses ne se voient pas dans les prix de détail.
Les prix dans la téléphonie mobile ne baissent pas (par exemple le prix de la minute hors forfait a peu évolué, il se situe entre 15 et 25 cts). Cependant, on peut attendre de l’entrée de Free dans le marché du mobile une baisse globale des prix et donc indirectement un ajustement.
Dans le fixe, la répercussion de cette baisse est également absente. En effet, le prix des appels « fixe-mobile » n’évolue pas. Même si on peut noter l’apparition d’offres spécifiques (exemple : l’offre Alice box qui inclut 4h d’appels vers les mobiles) qui semblent clairement être la conséquence de la baisse du prix de la TAM.
Pour la téléphonie fixe le contexte est différent de celui de la téléphonie mobile et l’on peut craindre que cela ne dure.
Appels « fixe-mobile », les raisons d’une rigidité à la baisse
Le prix des appels « fixe-mobile » n’est pas un critère discriminant, pour les consommateurs, dans le choix d’un opérateur fixe. D’ailleurs, avec l’explosion des box le critère premier est à présent le prix global puis les caractéristiques du trio magique : Internet, appels en illimité de fixe à fixe et télévision (bien que j’ai le sentiment que ce denier aspect compte un peu moins).
De manière générale, le consommateur a intégré que depuis un téléphone fixe un appel vers un téléphone mobile coûte cher. Par conséquent, il n’en surveille pas le prix et ne l’intègre pas dans son calcul lorsqu’il prospecte sur le marché pour choisir son opérateur fixe. Pour ceux qui ont l’habitude des appels en illimité à partir des box, lorsqu’un appel est facturé en sus il est de fait peu désirable, son prix a alors un intérêt très relatif. On peut même dire qu’appeler un mobile depuis une box n’est jamais entré dans les usages, parce que justement c’est facturé hors forfait.
Pour que ces appels deviennent attractifs il faudrait qu’ils soient gratuits ou à un prix très faible. En effet, il existe un effet cliqué, qui détermine le consentement à payer, si bien que tant qu’un certain niveau de prix n’est pas atteint les usages n’évolueront pas et appeler un mobile depuis un fixe ne sera pas ressenti comme une consommation « normale » pour le consommateur.
Qu’elle est le niveau de prix critique?
Il est difficile de dire à partir de quel prix les comportements évolueront. Mais on peut, peut être, imaginer que certains consommateurs utiliseront plus volontiers leur téléphone fixe si le prix d’un appel fixe-mobile est moins coûteux qu’un appel hors forfait ou un appel facturé à la minute depuis un mobile (cartes prépayées ou paiement au compteur[4]). Une baisse du prix de la TAM conduirait ces consommateurs à optimiser différemment le couple « dépenses en téléphonie fixe » et « dépenses en téléphonie mobile ». D’autant plus, que les consommateurs ayant des offres au compteur ou à cartes, font généralement ce choix par ce qu’ils souhaitent avant tout être joignable à tout moment et non pas parce qu’ils souhaitent pouvoir appeler en mobilité (notamment car le prix à la minute peut être très élevé).
Il faut également noter que certains individus font l’acquisition d’un portable non pas pour bénéficier du service de mobilité mais pour appeler un correspondant, ayant un mobile, à un coût moindre (l’utilité de la mobilité est donc faible, voir nulle). Certains consommateurs n’ayant pas l’utilité d’un mobile pourraient alors s’en séparer (je vous l’accorde ceux là ne sont pas nombreux).
Dans ces différents cas, plus la TAM diminue plus la substituabilité « fixe-mobile » augmente. Et certains consommateurs privilégieront alors l’usage du téléphone fixe.
Fixe mobile, comment faire baisser les prix ?
En réalité il y a deux scénarios. Soit on attend que le prix des TAM converge vers le prix des terminaisons d’appel fixes (TAF, moins de 1 euros) et ces appels seront alors naturellement intégrés dans les illimités box. La question est alors quand auront nous ce type de prix (2013, au-delà ?) . Soit les régulateurs s’en mêlent (Autorité de Concurrence ? ARCEP ?) et amorcent cette baisse.
Cette deuxième éventualité doit être considérée avec attention dans la mesure où il semble acquis que le processus de marché ne peut pas, à court terme en tout cas, conduire à une baisse des prix et qu’il s’agit là d’un élément important de la dynamique qui anime la convergence des réseaux fixes et mobiles. En effet, lorsqu’un appel vers un téléphone fixe et un appel vers un téléphone mobile auront un coût proche (TAM ≃ TAF) rien ne s’opposera à une convergence totale des réseaux i. e. un même téléphone et un même forfait que l’on soit en mobilité ou à son domicile.
Sur le même sujet : Ça me plait : Terminaison d’appel mobile, quand les intérêts de Free et des consommateurs convergent.
[1] L’autorité imposait une baisse au 1er juillet 2009 du tarif de 6,5 à 4,5 cts la minute pour Orange France et SFR et de 8,5 à 6 cts la minute pour Bouygues Télécom, puis une nouvelle baisse au 1er juillet 2010, le tarif passant de 4,5 à 3 cts la minute pour Orange France et SFR et de 6 à 4 cts la minute pour Bouygues Télécom.
[2] Le fait d’être plus petit ne serait pas en soit, selon les études réalisées, problématique. Les flux d’appels sortants et entrants à offres équivalentes seraient assez équilibrés. C’est bien le développement d’offres du type Neo, qui permet d’appeler en illimité vers les réseaux concurrents, qui justifierait un traitement particulier.
[3] Avant cela les opérateurs ne se facturaient pas la TAM, on parle alors du « Bill and Keep ».
[4] Il s’agit des offres ou on ne paie que ce que l’on consomme