Ça me gratte : Substituer une énergie propre au nucléaire signifierait passer d’une logique de flux à une logique de stock…
Loin de moi l’idée d’essayer de trancher le débat sur la nécessité/l’opportunité de sortir du nucléaire. Je n’ai clairement pas les moyens de le faire. Cependant, j’aimerai juste souligner qu’abandonner le nucléaire pour lui préférer des énergies propres impliquerait -mais aussi permettrait- de penser différemment la consommation énergétique des ménages.
Energies propres, une production trop irrégulière
Ceux qui s’aventurent sur le difficile terrain de l’évaluation de la faisabilité technique et économique d’une transition vers les énergies propres buttent souvent sur le fait qu’elles sont difficiles à produire de manière continue (photovoltaïque, éolien, etc.). Ce qui signifie, une disponibilité en dents de scie avec, par moments, un surplus et à d’autres, ce qui est plus problématique, une carence. Carence qui impliquerait un rationnement de la demande. Pourtant, cette difficulté, qui est au cœur du discours des pro-nucléaires face aux « anti [1] », doit et, semble-t-il, peut, être dépassée. En effet, les technologies d’aujourd’hui ne sont pas celles de demain et encore moins celles d’après demain.
L’énergie ça se stock…
On peut, par exemple, souligner qu’il existe un moyen simple d’introduire une continuité dans une production non linéaire : le stockage. L’énergie produite lorsque la consommation est faible est accumulée pour être restituée lors des pics. Irréaliste ? Non (coûteux, à court terme, sûrement). Une électrolyse de l’eau suffit pour produire de l’hydrogène. Energie qui peut être, ensuite, utilisée dans une pile à combustible (qui fut au début des années 2000 considérée comme « la » technologie du futur pour l’automobile) ou tout simplement dans un moteur à explosion classique aménagé (Des BMW équipées de ce type de motorisations roulent en Allemagne). D’ailleurs, convertir l’automobile à l’hydrogène aurait une autre vertu. Cette énergie serait, enfin, utilisée de manière efficace puisque aujourd’hui elle ne sert, pour l’essentiel, qu’à dé-soufrer le Diesel. Ce qui en dit long, d’ailleurs, sur le bilan carbone des motorisations Diesel (ne serait-ce que vis a vis de l’essence) si on suivait une logique « du puits à la roue » (et non « en sorti de l’échappement »).
L’Allemagne y va…
Le constructeur Allemand Audi (propriété de Volkswagen), qui souhaite vendre des véhicules fonctionnant au gaz naturel, est impliqué dans un projet (porté par l’entreprise Solar Fuel) qui repose sur une logique similaire. Il s’agit en fait d’ajouter une étape à l’exemple décrit précédemment. En effet, l’hydrogène produit à partir d’électricité « propre » est converti en « gaz naturel synthétique » (du méthane). Cette étape supplémentaire permet, d’une part, de contourner les difficultés que pose le stockage de l’hydrogène, assez instable, et, d’autres part, l’utilisation de cette énergie pour des usages domestiques. Le gaz naturel pourrait alors être utilisé comme carburant (l’Allemagne, comme l’Italie, est pourvu d’un réseau de distribution de méthane) mais aussi pour chauffer ou cuisiner.
Utilisé comme carburant, cette solution autoriserait un bilan carbone, puits à la roue, assez exceptionnel (30 g de CO2). Mais pour cela la conversion de l’hydrogène en méthane doit se faire à partir d’une source de CO2 non fossile. C’est pour cela que Solar Fuel va utiliser, lors de cette étape, du gaz naturel obtenu par fermentation de biomasse.
Vers une production hyper localisée ?
Le passage d’une logique de flux à une logique de stock pourrait également être à l’origine d’une autre transformation : une production énergétique localisée, voire hyper localisée. En effet, avec ces technologies, certaines habitations (individuelles ou collectives) seraient en mesure de produire de manière autonome une partie de l’énergie qui leur est nécessaire.
Prenons, par exemple, le cas du « photovoltaïque ». A l’heure actuelle, les ménages ayant équipé leur habitation en panneaux solaires, revendent toute ou partie de cette production à EDF, en la réinjectant dans le réseau. S’il devient possible d’accumuler l’énergie provenant de ces installations, il sera alors possible pour ces ménages d’utiliser toute l’énergie produite, en puisant dans ce stock chaque fois que cela est nécessaire.
Enfin, il est aussi possible d’envisager une mise en réseaux de quartiers, de rues, etc. Les ménages les plus économes revendraient, alors, leurs surplus à ceux qui le sont moins.
Les technologies permettant ces évolutions sont déjà, plus ou moins, là. Au delà des aspects politiques, le problème reste en grande partie le coût. Difficulté qui peut, à terme, être contournée grâce à l’innovation. La question est : l’investissement nécessaire à l’évolution de ces technologies est-il envisageable en France?
[1] Il s’agit d’un argument très fort puisque cela impliquerait, selon des pro-nucléaires, de réactiver ponctuellement des centrales particulièrement polluantes (charbon et pétrole).