Ça me gratte : O. Williamson prix Nobel d’économie
Le prix Nobel d’économie 2009 a été attribué à Elinor Ostrom et Oliver Williamson.
Je ne connais pas les travaux de madame Ostrom (on me dit que cela n’a rien d’étrange), je m’abstiendrai donc de faire des commentaires sur son prix. Cependant, j’aimerai revenir sur le cas Williamson.
Williamson a fournit à la théorie économique les fondements de ce que l’on appelle aujourd’hui la théorie de la firme, qui regroupe un ensemble d’approches, dont le point de départ est la difficulté que représente la rédaction d’un contrat prévoyant l’ensemble des états du monde. Cette difficulté expose naturellement les contractants à un risque d’opportunisme et Williamson en conclut que lorsque la réalisation d’un tel contrat devient trop coûteuse, l’intégration verticale devient la forme de coordination la plus adaptée. Cette contribution aux travaux économiques contemporains explique d’ailleurs, peut être, la distinction accordée par le comité Nobel.
Williamson s’appuie lui même sur l’article fondateur de Ronald Coase, également prix Nobel, la Nature de la firme (1937). Coase a introduit l’entreprise dans l’analyse économique qui n‘était jusqu’à alors qu’une boite noire, formalisée au moyen d’une fonction de production. Pour ce faire, il établit sa raison d’être : l’entreprise existe car l’utilisation du marché à un coût.
Si Williamson retient ce point de départ, il estime en revanche que Coase n’a pas défini de manière suffisamment précise les coûts d’utilisation du marché. Dans cette perspective, il lui paraît indispensable d’en expliquer les origines.
Williamson définit les coûts de transaction comme étant, principalement, les dispositions mises en place par les entreprises pour faire face aux risques d’opportunisme inhérents à tout contrat.
Après son ouvrage de 1975 la théorie de Williamson connait un relatif succès, cependant sa théorie reste critiquée par l’absence d’une vérification empirique.
Cette dernière lui sera apportée par Klein, Crawford et Alchian en 1978, il s’agit de l’intégration de Fisher Body par General Motors en 1926. Pour ces auteurs cet événement s’explique par l’existence de comportements opportunistes. Fisher Body qui réalisait des carrosseries pour General Motors aurait réclamé une augmentation des tarifs lorsque General Motors face à une forte augmentation de la demande aurait demandé une augmentation de la production. En réaction General Motors aurait racheté Fisher Body.
Williamson fera de cet exemple une démonstration de sa théorie, qu’il expose notamment dans son ouvrage de 1985. Mais ce que Williamson n’avait pas prévu c’est que cet évènement qui devait valider définitivement sa théorie va au contraire la précipiter. En effet, l’intégration de Fisher Body par General Motors va être réexaminée par un certain nombre d’économistes qui estiment que ce cas a été détourné pour apporter une validité à la théorie des coûts de transaction et à ses extensions. Et leurs investigations vont être très destructrices car non seulement elles vont démontrer que l’interprétation de cet événement relève bien plus du mythe que de la réalité, mais aussi elles seront un point d’entrée à un réexamen de la théorie elle même.
Comble de l’ironie l’un des acteurs les plus actifs de ce naufrage est l’inspirateur de Williamson, Ronald Coase. Ce denier conteste le mythe Fisher Body – General Motors mais aussi la validité des théories qui composent le courant « contractualiste »[1]. Coase rejette l’idée même que le travail de Williamson soit le prolongement du sien. L’entreprise de Williamson ne serait pour lui qu’un nœud de contrats où il manque l’essentiel : l’activité de production.
La controverse sur le cas emblématique des théories « contractualistes », l’intégration de Fisher Body par General Motors, conduira à la réfutation[2] de la théorie « williamsonnienne » et de ses extensions[3]. Pourtant Williamson a le prix Nobel….
[1] Nous qualifions ainsi l’ensemble composé du travail de Williamson et de ses extensions, car le dénominateur commun reste le contrat. Voir, « La dynamique de l’organisation de l’industrie: une approche par l’industrie automobile », E. Barreiro, 2006, Thèse pour le doctorat ès sciences économiques.
[2] La réfutation est un procédé analytique développé notamment par Karl Popper qui permet d’établir la validité d’une théorie. Or, si un temps la théorie de Williamson a passé ce test ce n’est plus le cas. La théorie de Williamson est donc fausse.
[3] Pour une bibliographie détaillée ou pour plus d’informations sur cette controverse je me permets de vous orienter vers ma thèse doctorale.