Ça me gratte : connaissez-vous (vraiment) l’impôt sur le revenu ?
En 2004, lorsque j’enseignais à l’université, je fus surpris de constater que la mécanique de l’impôt sur le revenu était une inconnue pour des étudiants de licence (économie). Et je ne parle pas de défiscalisation ou d’un autre type de gymnastique faisant appel à des techniques mathématiques complexes. Non, je parle simplement de la manière dont se calcule l’impôt sur le revenu.
Suite à cette expérience j’avais écrit un article expliquant cela et un peu plus.
Pourquoi je vous reparle de cela. Parce que la semaine dernière alors que j’échangeais avec un ami sur les nouveaux barèmes, je me suis rendu compte que ce grand gaillard de 35 ans, pas bête, et qui a sûrement rempli des paquets de déclarations, se trompait lui aussi.
Je cite : « Zut je viens de passer dans une nouvelle tranche je vais payer beaucoup plus d’impôts pour quelques euros supplémentaires [de revenus]! ». Pour faire simple, il confondait le taux appliqué à une tranche et le taux moyen. Et par conséquent, il pensait que les sommes versées au titre de l’impôt sur le revenu pouvaient augmenter plus vite que ce dernier. Ce qui est, bien évidemment, faux…
Je pourrais simplement vous renvoyer à mon article de 2004. Mais un certain nombre de choses a changé (le barème, la suppression de l’abattement de 20%, etc.). Alors je profite de l’occasion pour faire une petite mise à jour (très sommaire) et vous donner quelques chiffres.
Le barème pour les revenus de 2010
La nouveauté de 2011, mise à part la réévaluation indicielle (pour tenir compte de l’inflation), c’est le taux appliqué à la dernière tranche qui passe de 40 à 41%. Ce point supplémentaire vise à financer la réforme des retraites.
Tableau 1. Barème de l’impôt sur les revenus de 2011.
Calculer son impôt sur le revenu
Attention, le cas décrit ici est une simplification de la réalité. L’objectif est simplement de donner au lecteur une idée de la manière dont est calculé son impôt sur le revenu.
Pour être plus précis prenons l’exemple d’un individu, célibataire, qui a gagné dans l’année 25 000 euros. Quel est le montant de son impôt sur le revenu ?
Première étape, il faut déduire l’abattement ou les frais réels. Les frais réels représentent la somme des dépenses déductibles, comme les frais de trajets entre son domicile et son lieu de travail, les frais de repas ainsi que d’autres dépenses effectuées dans le cadre de l’activité professionnelle (ordinateur, librairie, vêtements, etc.). S’il décide de déduire ses frais réels il n’a pas le droit à l’abattement de 10 %. La stratégie consiste à comparer ces deux procédures afin de choisir la plus avantageuse.
Notre individu aura donc intérêt à choisir l’option « frais réels » s’il peut justifier de plus de 2 500 euros de dépenses « professionnelles ».
Pour faire simple, supposons que notre individu fasse le choix de l’abattement de 10% :
Donc 25 000 – (25 000 x 0.10) = 22 500 euros.
– Avant de commencer le calcul il faut tenir compte des parts pour calculer le quotient familial (QF). Ce dernier s’obtient en divisant le revenu après abattement, par le nombre de parts.
Notre individu est célibataire, il n’a qu’une part, son QF est 22 500/1=22 500
S’il avait été marié et son épouse sans revenu son QF serait 22 500/2= 11 250 puisqu’un couple marié compte 2 parts.
– Il suffit ensuite de regarder à quelle tranche correspond le QF: 22 500. Notre individu constate qu’il est dans la tranche à 14 %. Ceci ne signifie pourtant pas qu’il va payer ce taux. C’est le taux applicable à la partie de son revenu, supérieure à 11 897 euros.
Calculons l’impôt de notre individu :
5 973 x 0 + (11 896 – 5 973) x 0.055 + (22 500 – 11 896) x 0,14 = 1 810,3
Notre individu paiera 1 810,3 euros d’impôts sur le revenu imposable soit un taux moyen de : (1810,3/22 500) x 100= 8,04%. S’il l’on tient compte du revenu avant l’abattement, on obtient un taux effectif de (1810,3/25 000) x 100 = 7,24%
Qui paie l’impôt ?
Selon les chiffres de la direction générale des finances publiques (Tableau 2) en 2007 45,7% des ménages Français ont payé l’impôt sur le revenu, soit 16 319 ménages.
Ce taux relativement « faible » de ménages imposés, s’explique par la concentration des revenus. En effet, en 2007 le revenu fiscal annuel médian par unité de consommation est de 17 497 euros[1], le premier décile 6573 euros[2] et le neuvième 35 572 euros[3] (source : Insee / DGFIP 2007).
Cependant, il faut être prudent quant à ces chiffres car il ne s’agit pas d’un revenu par ménage, mais d’un revenu par unité de consommation. Avec cette méthode, un couple avec deux enfants comptabilise 2.1 unités de consommation. Par conséquent, un tel ménage s’il fait partie du premier décile a un revenu annuel moyen de 13 803 euros. Ce même ménage, s’il se situe dans le dernier décile, aura un revenu annnuel moyen de 74 701 euros.
Un autre moyen d’évaluer la répartition des revenus (du travail et du patrimoine additionnés) consiste à prendre comme unité « l’adulte ». En procédant ainsi les inégalités apparaissent de manière plus flagrante. Et il devient ainsi, plus aisé de comprendre pour quelles raisons une part relativement faible de ménages est touchée par l’impôt sur le revenu.
En effet, comme nous pouvons le voir avec le tableau 3. Les 50% plus pauvres ont un revenu mensuel moyen (avant impots) inférieur à 1500 euros, alors que les 10% plus riches ont un revenu mensuel moyen supérieur à 6 100 euros (les 1% plus riches supérieur à 30 300 euros).
Tableau 2. Proportion de ménages imposables.
Tableau 3. La répartition des revenus en France en 2010.
L’IR un impôt progressif?
Cependant, si 45,7% des ménages français ne paient pas l’impôt sur le revenu cela ne doit pas laissez penser qu’ils ne garnissent pas les caisses de l’Etat. On peut même dire que si l’on prend en compte d’autres impôts comme la CSG ou la TVA, les ménages les plus modestes contribuent de manière relativement importante aux finances publiques. (Voir tableau 4.)
Autre point important, bien que l’impôt sur le revenu ait pour objectif d’être progressif (et « re-distributif »), on constate qu’il devient régressif lorsque l’on considère le dernier centile des contribuables. La progressivité est « rétablie » au moyen d’autres impôts comme l’ISF ou l’impôt sur les sociétés.
Tableau 4. Poids des principaux impôts dans les revenus des ménages
Source : http://www.revolution-fiscale.fr/
[1] 50% des ménages déclaraient en 2007 des revenus fiscaux par unité de consommation inférieurs à 17 497 euros.
[2] Les 10% des ménages les « plus modestes » déclaraient en 2007 des revenus fiscaux par unité de consommation inférieurs à 6573euros.
[3] Les 10% des ménages « les plus riches » déclaraient en 2007 des revenus fiscaux par unité de consommation supérieurs à 35 572euros.